Nous vivons dans un monde que Dieu a créé beau à l’origine, mais qui aujourd'hui expérimente le mal physique et le mal moral. Parmi ces maux, nous souffrons aussi à cause des personnes qui nous blessent. Que de blessures et de souffrances nous sont infligées telles les trahisons et les déceptions ! Dans ces conditions, la réaction normale est la colère et la vengeance. On voudrait que celui qui nous a fait du mal le paie en retour. Généralement, on fait des plans pour la vengeance. Pourtant la colère est un péché capital, cause d’autres péchés. Le livre de l'Ecclésiaste dit : « Que ton esprit ne se hâte pas de s’irriter car la colère gît au cœur des insensés » (Qo 7, 9) ; et saint Paul « Etes-vous en colère ? Ne péchez pas : que le soleil ne se couche pas sur votre colère » (Eph 4, 26). Confrontés aux offenses, il nous faut être patients. Il s’agit de ne pas s’agiter, de ne pas se précipiter, de ne pas prendre des décisions de vengeance, de se calmer d’abord et de prier. La patience est une grande vertu. Elle est un signe de maturité humaine et spirituelle. C’est une qualité de Dieu. La Bible définit Dieu comme lent à la colère et plein d’amour
Nous savons que nous sommes pécheurs et que si Dieu nous punissait selon nos péchés, nous ne pourrions jamais nous approcher de lui. Souvent même nous lui disons de ne pas prendre en compte nos péchés. Il est donc patient avec nous mais que de patience manquons-nous par rapport aux autres. Ceci n’est pas un encouragement aux autres dans leur manque d’amour à notre égard. Mais notre réaction doit être entremêlée de patience. Saint Jacques dit : « Vous êtes savant, bien aimés, pourtant, que nul ne néglige d’être prompt à écouter, lent à parler, lent à se mettre en colère car la colère de l’homme ne réalise pas la justice de Dieu » (Jc1, 19-20). Et Saint Paul : « L'amour prend patience » (1Co 13, 4). Si pendant le carême nous pouvions faire beaucoup d’exercices de patience, nous grandirions sûrement dans notre amour pour Jésus ! « Le Seigneur fait preuve de patience envers vous. Ne voulant pas que quelques-uns périssent, mais que tous parviennent à la conversion » (2P 3, 9). Le carême est un moment qui nous rappelle la patience de Dieu. « Dieu nous a aimés quand nous étions encore pécheurs » (Rm 5, 8). Certains ont peut-être ces derniers temps des négligences de leur vocation ou de leur mission, des distractions dans leur amour pour Jésus, de la paresse spirituelle, de la négligence de leur prière, un manque de zèle à l’évangélisation et de la colère ; parfois même ils peuvent être en état de péchés très graves qu’eux-seuls connaissent. Alors nous venons à Dieu avec du remord. Pourquoi Seigneur n’ai-je pas fait plus d’efforts ? Pourquoi ai-je fait ceci ? Pourquoi n’ai-je pas tenu à mes promesses, à mes résolutions ? Seulement, tout en reconnaissant nos tords, nous ne devons pas aller à l’extrême d’une culpabilité qui paralyse comme Judas qui avait regretté d’avoir vendu Jésus. Il a rendu l’argent de sa trahison et s’est pendu.
Nous risquons d’être tellement découragés par nos faiblesses que nous en devenions paralysés et ne pouvant plus avancer. Oubliant que mieux vaut avancer lentement que de ne pas avancer du tout. Quels que soient notre infidélité et notre état lamentable, ne nous décourageons pas ! Le découragement est l’œuvre du démon. Il faut ignorer ses suggestions qui tendent à nous affaiblir, du genre : laisse tomber, tu ne pourras rien faire de plus en ce carême, tu n’y arriveras pas, tu te connais toi-même ; tu ne tiendras pas, les autres peuvent le faire mais pas toi ; Dieu les a choisis et pas toi ; Personne ne peut vraiment vivre ce qui est demandé, tu t’es trop engagé, pense un peu à toi ! Ce serait se laisser prendre dans un piège. Personnellement, dans ma vie spirituelle, c’est l’une des choses qui m’ont souvent le plus rempli de joie. Quand je me sens faiblir, infidèle, et que j’ai tendance à me décourager, je me rappelle et réalise la miséricorde de Dieu et sur l’instant j’ai plein de joie au cœur et je me sens revigoré.
Dieu est comme le père de l’enfant prodigue de L’évangile de Luc au chapitre 15. Le père accueille avec effusion son enfant repentant. Pour le père l’essentiel était le retour de son enfant. Il ne le condamne pas. « Je ne suis pas venu pour juger le monde mais afin que quiconque croit en moi ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle » (Jn 3, 16-18). Dieu ne garde pas rancune. Il est miséricordieux, c’est nous-mêmes qui nous refusons souvent d’accueillir sa Miséricorde. Parce que nous avons de la peine à pardonner, nous avons tendance à projeter notre image sur Dieu. Avec Dieu, nous apprenons à vivre de commencement en commencement. Être toujours prêt à recommencer avec Dieu est une caractéristique de maturité spirituelle : on ne se plaît pas à rester coucher, on se lève.
Chaque carême est une main tendue pour nous aider à recommencer avec Dieu. Car, comme Il nous demande de pardonner 70x7 fois, c’est à dire sans fin, Lui-même est le premier à nous pardonner ainsi. Que c’est beau le carême : un moment de recommencement. C’est un moment de joie : Dieu ne me condamne pas, il me dit de me relever. Il ne veut pas que nous demeurions dans la paresse et le laxisme. Jésus dit à la femme adultère : « Moi non plus je ne te condamne pas, va et ne pèche plus » ! Dieu voudrait que ce carême soit pour toi, pour moi, une occasion de faire de nouveaux progrès. « Redoublez d’efforts pour confirmer l’appel que vous avez reçu » (2P1, 10). Le carême est encore une occasion de mettre de l’ordre dans notre vie : dans notre emploi de temps, dans nos relations, dans nos priorités, dans nos engagements. Que c’est beau le carême, un moment d’espérance, un moment de retour vers le père, un moment de joie. Pourquoi ne pas vivre une retraite qui t’aide à recommencer avec Dieu ?
Henri Bayemi