Je m'appelle Marie,
Dans ma famille nous allions à la messe lors des solennités ou grande fête, Noël, pâques...Je n'ai pas grandi avec mes parents, à ma naissance, mon oncle (cadet mère), par reconnaissance pour ce que mes parents ont fait pour lui, décide de me récupérer à 1 an et demi. Je tétais encore. Je grandissais avec eux et leur fille à Yaoundé. A la faveur d'un divorce, il se remarie avec une femme de "chez nous", que ma mère est allée chercher au village. C’était le début de la descente en enfer.
J'avais 6 ans et demi. Mon malheur est venu du fait que mon oncle (paix à son âme), ingénieur agronome de l'époque, pilotait les projets de l’État, il était toujours en voyage, très souvent pour des mois. Chaque fois qu'il partait, j'étais abandonnée à moi-même, ma nourrice n'encadrait que ses enfants. C'est moi qui avais droit à la nourriture mal conservée qui moussait déjà, au point où j'ai chopé une dysenterie amibienne qui a failli me coûter la vie. Je passais les nuits près du berceau de ma cousine pour qu'à son réveil, je la berce immédiatement pendant que sa mère dort.
La ménagère avait toujours droit à une cessation momentanée d'activités et je devais faire le gros des travaux domestiques. J'allais à l'école à pied alors qu'il y a un chauffeur. J'avais 8ans et demi quand je passais les soirées et week-end dehors avec les enfants du quartier et ne rentrais que pour dormir si j'en avais la possibilité. J'ai grandi dans la rue sous les poteaux électriques. Notre activité principale était le ramassage des criquets que nous allions grillés chez l'un d'eux. Dans la rue il fallait se battre pour avoir une place et ne pas se laisser marcher dessus, alors j'ai appris et développé la violence physique et verbale, la haine, la rancune, le mensonge, l’égoïsme etc. Nous nous battions constamment dans la rue, avec les armes s'il le fallait (bâton, pierre, couteaux, clous, tournevis...). Je faisais les répétitions d'injures, seule dans ma chambre. Parallèlement, à l'école je reprenais systématiquement toutes les classes.
Après beaucoup de problèmes de famille, ma mère décide de me reprendre à 12ans j'étais au CM1. De retour chez mes parents à Douala, c'était très difficile parce que mon père avait engagé le redressement. Mais le terrain n'était pas favorable. Les habitudes ont la peau dure....J'avais 2 visages: à la maison, je jouais aux enfants dociles et obéissants, mais à l'école c'est moi qui donnait les rendez-vous de bagarre au gazon le vendredi, soit pour me venger ou venger mes camarades. On m'appelait sapeur-pompier. Tous mes camarades avaient peur de moi… Je n'aimais pas mon père, je le trouvais méchant. C'est alors que ma sœur, l’aînée de la famille que j'appelle affectueusement Mamado décide de me récupérer à Nkongsamba à 13ans et demi.
Un tournant décisif était engagé. L'encadrement et le milieu avaient considérablement changés. Quelques mois après, à la surprise générale, j'ai réussi au concours d'entrée en sixième au collège Sainte Jeanne D'arc. A l'annonce de mes résultats, la famille a fait le déplacement au collège pour vérifier, tellement j'étais nulle et bonne à rien.
Contre toute attente, je ne fournissais que les bons résultats avec bourse scolaire de 9000F/1er cycle et 10000f/2nd cycle, en plus du meilleur prix du collège en Espagnol en classe de 1ere. Je n'ai plus jamais connu l'échec scolaire jusqu'à l'université et à la sortie de l'ENS/Yaoundé, et pourtant ma sœur usait de beaucoup de subterfuges et de jonglerie pour payer ma scolarité et sauvegarder mon ménage. C'est également pendant mon séjour à Nkongsamba que j'ai reçu tous mes sacrements. Cependant, je n'avais pas abandonné la violence, au point où étant à l'ENS j'ai failli tuer ma cousine qui m'avait tenue tête avec ma grosse paire de ciseaux. Heureusement que mes amies qui étaient là, ont attrapé les ciseaux dans leur envol. Je serai en prison. J'ai profité pour lui rappeler toutes les misères que sa mère m'a faites. ça coulait comme l'eau .Elle a beaucoup pleuré.
La violence était toujours mon plat préféré et la rancune, mon dessert. Je grinçais beaucoup les dents quand je ratais l'occasion de faire du mal. Je minaudais sans cesse......
Cela s'est répercuté dans mon ménage, avec mon époux et les enfants. Je branchais toujours le fer à repasser pour le lui appliquer dès que nous avions une dispute. Me connaissant, il se tenait toujours à bonne distance. Une autre fois, en le suivant avec le couteau, le poignet de la porte l'a blessé au ventre. La cicatrice est toujours là...Il ne voit pas très bien avec son œil gauche parce que je lui avais versé la sauce de pépé-soupe chaude en plein visage, alors que c'est lui qui me l'avait offert. je l’attendais quelque fois avec la machette quand je racle cela sur le ciment , à la vue des étincelles il disparaît très rapidement et je suis contente
Dans la même lancée, ma fille a fait une fugue à 9ans. Je venais de la frapper durement avec une grosse spatule. Ses doigts ont enflé. Elle m'a raconté plus tard qu'en partant, elle se retournait constamment, espérant que je la suivrais. Je n'ai pas bougé. Elle s'est demandé si j'étais réellement sa mère. Entre temps, ma vie chrétienne était entre 2 grandes parenthèses.
Je n'allais plus du tout à l'église. Après des reproches de maman et de mon père, je suis rentrée à l'église catholique, parce que je flirtais déjà avec les témoins de Jéhovah. J'ai opté pour les messes anticipées du samedi et bien plus tard plus régulière aux messes de 8h. Le Seigneur m'appelait progressivement. C'est ainsi qu'une sœur m'a demandée de me joindre à eux pour l'encadrement des tout-petits et me voilà dans le groupe des Saints Innocents.
Cette sœur me donnait les fiches de Parole de Dieu que je ne lisais. Aka! Quand le groupe a ouvert à Saint Louis, je suis arrivée 2 mois et demi plu tard après une cour assidue de rues sœur qui me vantait les enseignements. J'étais très émue à la 1ère réunion. J'avais pour ainsi dire amorcée la délivrance. Les enseignements m'édifiaient beaucoup chaque Lundi soir, je me remettais en question. Je faisais mon examen de conscience et dans mon cœur, en douce, je voyais combien j'étais minable. Parce que chaque fois que je lisais la Bible, on ne parlait que de la miséricorde, la tendresse, la douceur, l'amour, etc...Alors, j'ai pris la résolution de changer. Mais dans mon fort intérieur, ce n’était pas toujours ça. Je me faisais maintenant violence pour être douce et aimer l'autre.
La libération a été graduelle. La phase finale s'est opérée à la suite d'un enseignement à une journée de retraite. Cet enseignement portait sur la tendresse, ce qui m'a touché c'est l'exemple qu'elle avait pris concernant une étude comparative des sœurs, sur 2 groupes d'enfants .Le groupe A était élevé dans la douceur, la tendresse, les cadeaux et toute forme d'affection et les enfants étaient réceptifs, ouverts, obéissants, intelligents. Le groupe B élevé dans toute forme de brutalité, maltraitance, brimade, etc...fournissait de mauvais résultats scolaires, ces enfants étaient introvertis, très peu intelligents, pas sociables et très peu obéissants." elle a terminé en disant que l'on ne moissonne que ce que l'on a semé" J'avais l'impression que quelqu'un lui avait parlé de mon enfance. Fort heureusement, mon entourage a remarqué mon évolution. Il y a quelques temps, ma fille a obtenu une mauvaise note en mathématiques. Elle me l'a dit toute tremblante, sûre que j'allais la "piller" (c'était mes expressions). A ma grande surprise, nous avons échangé calmement sur ses difficultés et à la fin , je lui dit que quoiqu'il arrive sache que "maman t'aime" Cette phrase a fait un déclic en elle. Elle est devenue plus épanouie et plus ouverte. Je suis plus souvent entourée d'enfants maintenant. Mes collègues m'ont surnommée l'année dernière, distributrice de la bonne humeur, en entrant dans un bureau, je trouvais toujours une phrase ou un passage biblique pour leur donner la joie et l'espoir surtout quand nous avons les "maux de poches"
Plusieurs de mes amies m'ont dit que ":dis donc la vieillesse te gère" déjà parce que devant une situation au lieu de mettre l'huile sur le feu j'apaise seulement.
Mon époux est celui qui a le plus récolté les fruits de la conversion. Parce que je suis devenue plus calme et je l'écoute quand il parle. Avant quand il disait "A" j'étais déjà à "Z".(Il me demande même souvent que: tu n'as rien à dire? )
En retour il est redevenu fou et les textos (SMS d’amour) fumants pleuvent encore.
Pour concrétiser cela, de retour de vacances scolaires en Septembre 2011, il a lui même proposé que je rencontre le curé pour les formalités de notre mariage religieux, lui qui avait juré que pour rien au monde, il ne pouvait pas accepter,[ motif qui a failli nous séparer] le voilà engagé. Le mariage fut célébré le 09 Décembre 2011 à 10h. C'était très émouvant, sobre et extraordinaire. Il y avait en tout 12 personnes y compris le célébrant et le sacristain. C'est lui qui me rappelle désormais que je serai en retard au groupe. Tu ne vas pas à l’Église aujourd’hui? Il maîtrise bien mon programme des messes et apprécie la compagnie de mes sœurs du groupe. Ma vie de prière a beaucoup changé.
Je prie partout et confie chaque situation à Dieu. Je vis la quasi-totalité des exercices de la fiche. Je vends les fiches à la criée après les messes. Je partage les témoignages au groupe. Au bureau j'ai institué la prière des travailleurs avec radio veritas (radio diocèsaine) les lundis à 8h05 pour confier la semaine de travail. Nous avons aussi les pauses-Jésus à la mi-journée pour reprendre des forces, surtout quand nous ne sommes pas sur le terrain. Depuis que j'ai renoué avec le corps du Christ, le moment de la communion est toujours très dense en émotion et l'Adoration du Saint Sacrement est un de mes exercices préférés. J'assiste toujours au journée de retraite et je fais un effort de saluer le maximum de personnes et de servir.
Je bénis le seigneur tous les jours, lui qui a utilisé mes sœurs pour m’appeler. S'il faut comparer les périodes, je dirai que j'étais aveugle et maintenant je suis borgne. A l'heure ci, je veux parler comme l’apôtre Paul "Rien ne peut me séparer de l'amour de Dieu"…
Je nous encourage à faire le bien et à être doux et tendre. La Parole de Dieu ne dit-elle pas « Heureux les doux, ils auront la terre en partage » Mt 5,4 : [Je prie pour pardonner à ma nourrice] Que le Seigneur m'accorde cette grâce. Mes frères et sœurs nous avons tenu le bon bout et ne lâchons pas.
Union de Prière